Chicoutimi, 16 août 1999
Communiqué de presse
Saisie des chèques d'aide sociale dans les cas de non-paiement des loyers
LOGE M'ENTRAIDE demande que la mesure adoptée ne soit pas mise en application
LOGE M'ENTRAIDE demande au gouvernement Bouchard de ne pas mettre en application les articles de la loi 186 sur le Soutien du revenu permettant la saisie des chèques, dans le cas de non-paiement des loyers. LOGE M'ENTRAIDE fait cette demande, à l'occasion de la publication dans La Gazette officielle d'un projet de règlement permettant la mise en vigueur de la loi, à partir du 1 octobre prochain.
Selon l'organisme, les articles 137 et 138 du projet de règlement portant sur la saisie des chèques démontrent comment la mesure adoptée par le gouvernement est discriminatoire. Elle prouve également, à son avis, qu'elle s'avérera totalement incapable de régler le problème.
Rappelons que la loi 186 prévoit qu'en cas de jugement contre une personne assistée sociale pour le non-paiement de loyer, la Régie du logement pourra émettre une ordonnance obligeant le Ministère de la Solidarité sociale à envoyer une partie de son chèque directement au propriétaire, afin de payer les loyers à venir.
Le projet de règlement fixe le montant des chèques qui pourra être saisi. Il s'agira du moindre des prestations suivantes:
Le montant envoyé au propriétaire sera déduit de 60 $, si le loyer ne comprend pas le chauffage et l'électricité.
Une mesure discriminatoire
LOGE M'ENTRAIDE estime que le gouvernement tente de contourner les règles établies pour l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec. Le Code de procédure civile du Québec stipule en effet qu'en cas de saisie, une portion du revenu est insaisissable, soit de 120 $ par semaine ou 516 $ par mois. Avec la loi 186, le gouvernement s'est accordé le pouvoir de saisir des revenus plus bas encore tout simplement en utilisant pas le terme " saisie " et en s'assurant que le mécanisme de la mesure retenue soit techniquement différent d'une saisie, tout en atteignant exactement les mêmes résultats.
Le projet de règlement confirme en effet que le loyer sera directement prélevé sur des revenus égaux ou inférieurs à 481 $ par mois, dans le cas d'une personne seule, avec ou sans enfants.
Selon LOGE M'ENTRAIDE, le caractère discriminatoire de la mesure qui sera mise en application le 1 octobre ne s'arrête pas là. Le gouvernement considère en effet qu'une personne ou une famille ne devrait pas consacrer plus de 30 % de ses revenus bruts au loyer (chauffage et électricité inclus), sans quoi on peut considérer qu'elle souffre de besoins impérieux de logement
LOGE M'ENTRAIDE déplore que cette norme de 30 %, valable pour l'ensemble des citoyens et des citoyennes, ne s'applique pas aux personnes et familles assistées sociales. Il considère que le gouvernement banalise une situation carrément inacceptable et scandaleuse pour tout citoyen quel qu'il soit, quand le gouvernement décrète que 48,7 % de la prestation d'une personne seule et 40,2 % de la prestation d'un couple doivent aller au logement.
Plusieurs intervenants, dont la Commission des droits de la personne et le Protecteur du citoyen, Me Daniel Jacoby, ont, au moment du débat sur le projet de loi 186, mis le gouvernement en garde contre l'adoption d'une mesure aussi discriminatoire. Des organismes de défense des droits, comme le FRAPRU ( Front d'action populaire en réaménagement urbain), ont aussi indiqué leur intention de la contester devant les Tribunaux, si jamais elle entre en vigueur. En décembre 1998, un comité de l'ONU, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, a ajouté sa voix, en critiquant nommément le Québec pour avoir adopté une telle mesure.
Le vrai problème: l'incapacité de payer
Selon LOGE M'ENTRAIDE, le projet de règlement démontre par l'absurde les raisons véritables du problème du non-paiement des loyers, qui, pour la plupart des personnes qui s'en rendent coupables, n'a rien à voir avec une quelconque délinquance. " Si les gouvernements considèrent qu'un ménage a des problèmes de logement lorsqu'il consacre plus de 30 % de leur revenu au loyer, que penser de personnes qu'on oblige à y engloutir 48,7 % de leur revenu, sans que ce pourcentage déjà éhonté ne couvre même l'entièreté de leur coût de loyer ? ", se demande Sonia Côté, coordonnatrice de Loge m'entraide.
LOGE M'ENTRAIDE estime que c'est dans cette incapacité de payer que se trouve la raison fondamentale du non-paiement. En ce sens, il prévoit l'échec total de la mesure adoptée par le gouvernement. " Personne ne sera heureux, ni les prestataires qui seront carrément mis en tutelle et n'auront pas davantage de quoi payer leur loyer, ni les propriétaires dont on aura excité l'appétit, sans les satisfaire totalement " prévoit Sonia Côté.
LOGE M'ENTRAIDE demande donc au gouvernement de retirer les articles 137 et 138 du projet de règlement, ce qui empêcherait la mise en application de la saisie des chèques prévue dans la loi 186. À son avis, il faut plutôt, contrairement à ce que prévoit le projet de règlement, augmenter sensiblement les prestations d'aide sociale, assurer l'indexation des chèques et abolir complètement la coupure pour partage de logement.
Il profite également de l'occasion pour rappeler sa demande de financement d'un Grand chantier de logement social permettant le développement de 8000 nouveaux logements sociaux par année à l'échelle du Québec. Il rappelle que le problème du non-paiement de loyer est marginal en logement social, parce que cette formule assure que les locataires n'ont pas à consacrer plus de 35 % de leur revenu (plus certains services) en loyer. Ainsi, selon des chiffres fournis par les Offices municipaux d'habitation, le taux de mauvaises créances dans les HLM du Québec est d'à peine 1/2 de 1 %
LOGE M'ENTRAIDE souhaite que le Premier ministre Lucien Bouchard et le ministre de la Solidarité, André Boisclair, qui ont déjà exprimé des malaises face à l'éventualité de la saisie des chèques, seront conséquents et empêcheront la mise en application d'une mesure discriminatoire et incapable de résoudre le problème.